Le texte du spectacle est une adaptation de la pièce écrite par Jose Sanchis Sinisterra, un des plus grands dramaturges espagnols contemporains.
Il écrit « Ay Carmela ! » en 1986. Carlos Saura l’a adapté au cinéma en 1990.

Sinisterra évoque un évènement contemporain, la guerre d’Espagne, prologue de la seconde guerre mondiale, et chemine sur une ligne ténue, entre burlesque et tragique. Carmela et Paulino forment un couple de comédiens banal,
de parfaits anti-héros.

La pièce fonctionne comme un long flash-back.
L’action s’ouvre alors que tout est fini. Paulino, sans doute porteur de davantage de souvenirs que d’avenir, traîne dans un théâtre vide. Mais l’apparition du fantôme de Carmela va réveiller leurs connivences, leurs jalousies et leurs désillusions.
Après avoir été capturé par les troupes franquistes, le duo est contraint de jouer pour un parterre d’officiers et pour quelques brigadistes internationaux. 

On découvre ainsi au fil du texte le destin tragique de Carmela,  comme une allégorie de l’Espagne républicaine.

Ay Carmela !

"Ay Carmela ! Pour insuffler de la vie dans les mémoires et de l'espoir dans les rêves." l'Humanité

« La beauté, c’est l’infini entouré d’un contour » disait Victor Hugo. 
Cette phrase a été mon guide vers une recherche d’épure. Scénographie, mise en scène, accessoires et décors, mouvements, texte ou chant… ne garder que l’essentiel, du rire au tragique.
L’adaptation du texte de Sinisterra suit ce chemin : rythmer l’intrigue en n’en gardant que le coeur, rendant implacable la tragédie qui s’annonce.

Je connais ce texte depuis vingt-cinq ans. Il contient tout ce que j’aime :
rire bien sûr, plus court chemin entre la scène et le public, mais aussi questionnement, émotion, sensibilité, proximité et profondeur. 

Dans ma mise en scène, les corps en mouvement communiquent poétiquement et sans artifice, comme un contrepoint à la langue, et les chansons issues du répertoire des chants républicains interprétés a capella,
sont comme un pas de côté forme et la possibilité d’entendre la langue, comme un témoignage, en immersion dans la musicalité espagnole.

Car ce spectacle s’inscrit dans un contexte historique fort et trop méconnu :
la guerre d’Espagne, qui fut un macabre prélude à la deuxième guerre mondiale.

Tout au long du spectacle, comme un filigrane, nous nous interrogeons sur notre capacité à la résistance et à l’indignation face à l’injustice, sans céder à l’injonction. Car si la représentation artistique participe à rendre le « coeur intelligent », elle ne peut être un palliatif à la sécheresse des statistiques sur lequel notre monde se repose aujourd’hui.

Faire un pas de côté ensemble, danser, rêver, entendre et aimer l’altérité. Entrer en empathie, partager l’émotion d’une destinée tragique, et enfin rire, laisser monter ce rire profond, celui qui nous fait aimer pleurer.

Et faire ainsi notre la pensée du poète Sony Labou Tansi, selon laquelle « Le théâtre est peut-être l’une des dernières occasions qu’il nous reste de donner la chair de poule aux idées.« 

Lionel Sautet